Une cohérence relationnelle mise en avant par la clinique.
Le praticien a un contact immédiat qu’il estime bon, et, à l’écoute de la personne, la relation semble cohérente. Elle a une posture générale adaptée au contexte relationnel, la conversation est aisée et fluide, le discours est sensé, le langage normal. Même les gestes, les attitudes et les mimiques sont adaptés. Tout ce qui est relaté à propos de la vie quotidienne est compréhensible, le repérage dans le temps est juste, et la personne peut raconter son histoire de manière cohérente malgré parfois quelques oublis. Le sujet perçoit intuitivement son fonctionnement psychique par le biais de la mentalisation, même si cette perception est parfois limitée.
En ce qui concerne l’environnement, le concret, le social, ce qu’on appelle « la réalité », la personne le perçoit convenablement. Elle sait s’ajuster aux règles concrètes et sociales et fait la part entre ce qui est issu de son imagination et ce qui vient de la réalité. De même, elle comprend et assimile correctement la loi morale commune, à savoir les grands principes qui gèrent les relations entre les gens, et respecte généralement la loi normative, à savoir les codes et règlements. Le sujet reconnaît bien l’existence d’autrui en tant que personne individuelle et digne de respect, et non comme un moyen que l’on utilise ou un individu supérieur dont il faudrait avoir peur. L’histoire personnelle du sujet n’est pas chaotique et son enfance a été normale dans une famille structurée.
S’il y a eu un passé douloureux, il est le résultat de conditions d’existence comme des échecs, des frustrations ou des désagréments, et l’on note une dichotomie entre ce que le patient en pense (ce fut terrible), et l’estimation du spécialiste (nul besoin de s’inquiéter), en raison du narcissisme qui résiste. Le patient est une personne anxieuse qui peut faire des crises d’angoisse lors des décompensations. Dans le cas d’une dépression, elle se manifeste par une tristesse difficile à vivre, douloureuse. Culpabilité et sentiment d’infériorité – sans effondrement ni dévalorisation extrême toutefois – sont présents. On assiste très souvent également à de l’inhibition chez ce sujet, qui le conduit à fuir les contacts et à avoir une sexualité très peu présente, voire inexistante, mais sans grande gravité. Le sujet en est conscient et cherche à se faire aider.
L’auteur se propose alors de donner des exemples des symptômes rencontrés chez ces personnes. On peut voir naître une phobie, la peur d’un objet particulier ou d’une certaine situation, et l’angoisse générée par la phobie est contournable en évitant de se confronter à l’objet de la phobie ou à la situation, ou bien en développant un système de réassurance. Autre exemple de symptôme : l’obsession. C’est une pensée involontaire qui se répète et qui menace, sans cependant provoquer trop d’anxiété. Le sujet ne parvient pas à s’en défaire sans certains gestes qu’il a mis en place et qui deviennent des rituels. Enfin, encore un symptôme habituel chez le patient névrosé : la somatisation, le plus souvent dans les muscles, mais qui peut aussi se manifester sur le plan des sens ou des viscères. La personne l’exprime tout en tolérant bien le symptôme.
Dans la vie quotidienne, la personne subvient comme il faut à ses besoins, elle a une activité normale, ponctuée de ralentissements à cause de son inhibition, mais sans plus, sa capacité de réflexion et ses interdits lui évitant des passages à l’acte nocifs. On constate une orientation de manière générale hétérosexuelle, mais parfois inhibée et insatisfaite. Les relations sociales (amis, camarades) sont fidèles et stables et la qualité des relations amoureuses est variable, allant de la relation durable et satisfaisante à la relation instable à cause de contrariétés envers les partenaires. La solitude n’est pas vécue agréablement, mais elle est acceptée.
Une structure psychique évoluée, mais conflictuelle
Le processus secondaire vient recouvrir le processus primaire. C’est uniquement dans les rêves, les lapsus, les actes manqués que se révèle le processus primaire. Malgré les traumatismes, la notion du réel est ferme. La loi commune est bien assimilée. La personne utilise souvent la sublimation comme moyen de défense, mécanisme qui permet d’abandonner l’objectif de départ et de transformer l’investissement dans un but utile et acceptable sur le plan moral.
On retrouve fréquemment le refoulement dans cette personnalité, grâce auquel le désinvestissement de la tendance refoulée est possible, puis le contre-investissement sur un aspect dérivé. Le refoulement est dans de nombreux cas incomplet et accompagné de formations réactionnelles, de formations substitutives et de formations de compromis qui permettent un retour du refoulé acceptable. La rationalisation, la dénégation, la projection sont d’autres mécanismes que l’on retrouve, tempérés par les processus secondaires et pouvant provoquer une critique.
Les imagos de base sont évoluées. Celle de soi-même est bien structurée, avec un corps unifié et sexué, une identité équilibrée constituée des identifications successives. Les imagos des parents sont bien distinctes, sexualisées et réadaptées par rapport à la réalité. L’objet est complet et unifié, caractérisé par des éléments issus de la réalité, et organisé autour d’une imago sexuée de l’autre. L’objet oriente la recherche d’un référent, d’un autre concret sur le mode hétérosexuel. Quant aux structures fantasmatiques, elles sont œdipiennes ou post-œdipiennes.
Pour ce qui est du ça, on note que les pulsions libidinales sont plus importantes que les pulsions agressives, que la génitalité prime. Il arrive que des tendances infantiles prégénitales fortement investies perdurent, et il se produit alors un conflit avec le surmoi. Le moi gère de manière efficace les exigences pulsionnelles avec les exigences du réel en faveur de la totalité de l’individu ; toutefois, il a fort à faire entre le ça et le surmoi et se laisse déborder, ce qui aboutit à des aspects pathologiques.
L’investissement du soi est résilient, et les identifications sont cohérentes. Il y a une limite juste entre soi-même et autrui, ce qui fait perdurer l’unité et l’identité individuelle. La présence du surmoi est efficiente, ce surmoi comportant des éléments d’identification issus des deux parents. Il est cependant parfois trop puissant et a alors un mode de fonctionnement exalté, ou bien inapproprié. L’instance d’idéal a bien suivi un processus d’évolution ; elle est modérée et est passée au second plan par rapport au surmoi, mais sa persévérance, même une fois passée au plan secondaire, donne un support aux idéaux.
C’est à cause de la présence d’une dynamique conflictuelle que sont générées des formes pathologiques. Si le ça envoie une poussée pulsionnelle (régressive), le surmoi la barre et met en place des mécanismes de défense, principalement celui du refoulement. Certes, ces armes de défense sont efficaces, mais elles entraînent des difficultés relationnelles et des symptômes chez le sujet.
Problèmes tardifs au cours du développement
L’individualisation et l’autonomisation se sont faites convenablement sur le plan du développement. Il y a eu sexuation, phase œdipienne. C’est là que se joue la structuration névrotique de la personnalité.
C’est au cours de la résolution œdipienne, entre cinq et sept ans, puis de nouveau à l’adolescence que se situe la période critique, à savoir la sexuation définitive, l’adoption d’un genre et d’un rôle sexuel, la place parmi les autres, et, à une échelle plus grande, le positionnement dans l’ordre humain (la parentalité, la loi commune).
S’il n’y a pas de difficultés particulières et de fixations antérieures au cours de la phase œdipienne, on assiste à un développement psychologique optimal et une bonne santé. Dans le cas contraire, la résolution œdipienne présente des lacunes et le sujet régresse à un mode relationnel et libidinal de stade infantile. Si la régression s’installe, les conflits également, et les moments ultérieurs de décompensation ou de régression se profilent.
L’auteur signale que la famille est généralement bien structurée et que l’éducation qui y est reçue est satisfaisante. Une éducation rigide dans un milieu fermé et surprotecteur peut engendrer des troubles. Une éducation répressive conduit à une génitalité inhibée du fait de l’extension de l’interdit incestueux. Si l’éducation est toujours aussi rigide et répressive à l’adolescence, on empêche la levée du refoulement concernant la sexualité génitale et elle reste interdite, ainsi que l’ouverture au monde en dehors de la famille.
Peut-être l’amour des parents ou d’un parent est trop intense. Un amour trop lourd de la part du parent œdipien qui n’est pas satisfait de sa relation avec son/sa partenaire mène l’enfant à la nostalgie, car il reste attaché à cet amour. L’enfant ne peut pas résoudre son conflit œdipien si la sublimation du parent est insuffisante et il adopte des attitudes séductrices. On peut aussi assister à une perturbation vis-à-vis de la sexuation, car on incite l’enfant à ne pas se comporter ainsi avec le genre correspondant à son sexe biologique.
Peut-être le père ne remplit-il pas bien son rôle de père. Trop distant, trop sévère – le garçon n’y trouve pas de bon modèle d’identification. Il y a menace de castration quand l’attitude est agressive. Chez la fille, l’absence de tendresse du père est également cause de troubles, car elle n’apporte pas de compensations nécessaires à l’abandon du projet œdipien. De nos jours, on voit parfois des modèles de familles avec effacement du rôle d’autorité tutélaire du père, ou avec ce rôle tenu par une femme. Cela provoque malheureusement une difficulté de repérage qui peut entraîner un infantilisme persistant.
Qu’en est-il, en psychopathologie, de l’événement traumatique ? Y a-t-il eu tentative de séduction sexuelle concrète ? Dans ce cas étudié de la névrose, on a des situations ambiguës, mais guère de relations sexuelles directes. On parlera donc plutôt de « scènes de séduction », ce qui permet d’intégrer le vécu à ce qui s’est passé.
Vers un diagnostic
On s’oriente vers une personnalité névrotique si on a un ensemble clinique montrant une cohérence sur les différents plans de la vie relationnelle et une organisation du psychisme évoluée, possiblement conflictuelle. La reconstitution de l’évolution indiquant une avancée favorable jusqu’à la phase œdipienne, alors on peut diagnostiquer une personnalité qui se situe du côté du pôle névrotique.