Histoire de l’hypnose ?
Introduction
James Braid
Le mot « hypnose » a été créé au XIXème siècle, vraisemblablement par le médecin écossais James Braid (1795-1860) qui a voulu ainsi rendre hommage au dieu grec du sommeil : Hypnos. Cela fait donc environ un siècle et demi que les hypnotisés doivent dirent à leur praticien en fin de séance « Oh mais je ne dormais pas ! ».
On sait aujourd’hui que l’on entre au minimum trente minutes par jour en état d’hypnose, par courte phase de deux ou trois minutes. Le rôle du praticien de l’hypnose consiste à stabiliser cet état pour le faire durer le temps nécessaire. On ne dort pas en hypnose, c’est un état conscient, présent, assez semblable à ce qui se produit lorsqu’on est focalisé sur sa conduite et qu’on ne voit pas le temps passer.
Histoire de l’hypnose
Evolution de l’hypnose au cours des âges
Hypnos, fils de Nyx, la nuit éternelle, père de Morphée, dieu des rêves et frère jumeau de Thanatos, dieu de la mort ; voilà un pedigree qui, pour être prestigieux, n’en demeure pas moins inquiétant de prime abord. Les mots ont leur importance et l’appellation de cette pratique tend à la cantonner dans l’esprit populaire à une profonde léthargie dirigée d’une voix morne par un praticien lugubre. Nous allons voir ici qu’il n’en est rien. J’aimerais vous faire découvrir comment l’hypnose a évolué au cours des âges. De rituels douteux propagés par des gens qui ne l’étaient pas moins, elle est progressivement devenue une science lumineuse, abondamment documentée et dont les bienfaits sont reconnues dans de nombreux domaines : arrêter de fumer, perdre du poids, vaincre la dépression, gérer les douleurs chroniques etc.
Définir l’hypnose est un art difficile, tant les pratiques et conceptions se sont succédées au cours des âges, mais si nous ne devions garder qu’un mot ce serait : Focalisation.
Hypnos, dieu du soleil
Allégorie de la caverne de Platon
Dans l’Antiquité, un féroce débat opposa Platon le philosophe, à Gorgias le sophiste, sur la fonction du langage. Les mots prennent du sens par rapport à un contexte, mais que se passe-t-il si nous nous focalisons sur un seul mot ? Prenons le mot « hypnose » ; qu’est-ce que l’hypnose ?
Pour Platon, les mots recèlent une part de vérité, ainsi que les ombres qui s’agitent sur les murs de la caverne dans sa célèbre allégorie. « La connaissance des mots conduit à la connaissance des choses » écrit-il. Platon aurait sans doutes considéré que derrière le mot « hypnose » il y avait une vérité objective, quelque chose de réel, tangible.
Gorgias avait un frère médecin. Comme lui-même était professeur de rhétorique, il était particulièrement attentif au langage. Il avait remarqué en accompagnant son frère lorsqu’il visitait des malades, que les mots pouvaient avoir sur l’esprit les mêmes effets que les drogues sur le corps. Utilisée d’une certaine manière, la parole pouvait devenir médicament ou poison. En tant que professeur de rhétorique, il ne partageait pas les mêmes préoccupations que son homologue philosophe.
Là où Platon cherchait La Vérité, Gorgias lui, se contentait d’apprendre à ses élèves comment présenter leur propre réalité afin que chacun y adhère.
Cela constituait pour le philosophe une perversion de la fonction du langage puisqu’il accusait le sophiste de travestir la réalité. Pour Platon, le langage sert à découvrir la réalité tandis que pour Gorgias elle sert à la créer.
L’hypnose du XIXe siècle
On retrouve ce débat sous une forme différente quelques millénaires plus tard. À la fin du XIXème siècle, en France, les deux écoles principales d’hypnose dialoguent. L’École de Nancy, dirigée par Ambroise-Auguste Liébeault et Hippolyte Bernheim, s’inscrit dans la lignée de Gorgias. Les praticiens de cette école considèrent que ce qu’on appelle « hypnose » n’est que la conséquence des suggestions qui vont être faites à un individu. Ils considèrent d’une certaine manière qu’il n’y a pas de « vérité » objective dans l’hypnose, mais que tout réside dans la suggestibilité, c’est-à-dire « l’aptitude d’un individu à être influencé par une idée et à en rechercher la réalisation ».
L’école de Paris, dirigée par le neurologue Jean Martin Charcot, possède une vision plus platonicienne. Charcot, outre ses études sur les scléroses (et notamment la maladie de Charcot), est resté célèbre pour avoir réhabilité l’hypnose comme sujet d’étude scientifique. Derrière ce mot, il voyait une vérité physique et nerveuse. Pour lui l’hypnose correspondait à des faits somatiques propres à l’hystérie.
On sait aujourd’hui qu’heureusement, il n’y a pas besoin d’être hystérique ou facilement influençable pour bénéficier des bienfaits de l’hypnose. L’hypnose est un état naturel de régénération qui permet, grâce à notre capacité de focalisation, d’utiliser au mieux l’ensemble de nos ressources dans un but précis.
Charcot arrive à faire reconnaître l’hypnose par l’Académie des sciences en 1882. Un siècle plus tôt, en 1784, à Paris et devant cette même académie, le médecin Franz Anton Mesmer s’y était cassé les dents.
Franz Anton Mesmer (1734 – 1815) est un médecin autrichien, il est considéré comme le père de l’hypnose, bien que le mot ait été créé plusieurs décennies après sa disparition. Dans sa jeunesse, Mesmer s’intéresse aux travaux de son temps, notamment ceux de l’abbé Nollet sur l’électricité statique. Les propriétés du magnétisme minéral étaient déjà bien connues à cette époque puisque dès 1644, le philosophe René Descartes avait publié une théorie physique du magnétisme dans « Les principes de la philosophie ».
Franz Anton Mesmer tente d’unifier la pathologie derrière le concept de magnétisme animal. Il explique que de la même manière qu’il est possible d’agir sur un aimant à distance au moyen d’un autre aimant, l’être humain est soumis à pareilles influences invisibles. Il postule l’existence d’un fluide subtil tout autour et à l’intérieur de nous. Les termes de fluide magnétique ou de magnétisme animal le font aujourd’hui passer pour un hurluberlu. Pourtant, si l’on remplace ces mots par ceux plus contemporains d’énergie vitale, de Qi ou de prana, la théorie de Mesmer peut nous faire penser à la médecine traditionnelle chinoise ou à des médecines New Age. Il considérait que toute pathologie était la manifestation d’un déséquilibre dans la circulation ou la répartition de cette énergie. Il créa la méthode du baquet après son arrivée à Paris en 1778.
Le baquet de Mesmer était un tonneau de bois d’environ un mètre cube, d’où partaient une douzaine de tiges métalliques et de cordes. L’intérieur était constitué d’un récipient en laiton remplis de feuilles de zinc, entouré par une complexe machinerie de bouteilles d’eau magnétisées, de plaques d’aimants et d’encens.
Les participants s’entouraient de cordes ou plaçaient les tiges métalliques sur les parties douloureuses de leurs corps. Alors, dans une semi-pénombre et au son d’une douce musique baroque, Mesmer et ses assistants se promenaient dans l’assemblée en effectuant des passes magnétiques sur les gens qui étaient alors pris de convulsions.
La société Royale de médecine et l’Académie des sciences ne virent pas ces séances d’un bon œil. Il faut dire que depuis l’affaire des « convulsionnaires de St Sulpice », qui avait eu lieu un demi-siècle auparavant, les convulsions étaient mal vues à Paris. À cette époque, une secte d’illuminés se produisaient dans les cimetières et étaient agités de semblables spasmes en se frottant à la tombe d’un diacre. Lorsque l’on constate aujourd’hui que certaines personnes sont effrayées par l’hypnose, on ne peut qu’imaginer le climat intellectuel que rencontra le médecin. Bien loin d’imaginer que l’on pouvait arrêter de fumer grâce à cet outil, les médecins de l’époque s’imaginaient sans doutes à tort les pires horreurs.
Pour finir, les pratiques de Mesmer furent déclarées indécentes aux bonnes mœurs et il du quitter Paris.
Cependant, son enseignement s’était répandu et l’un de ses adeptes, le marquis de Puységur, raconte comment en magnétisant l’un de ses vassaux afin de le soulager de quelques maux, il avait été surpris de découvrir en lieu et place des spasmes auxquels ils s’attendait, une calme quiétude semblable à un profond et paisible sommeil. L’hypnose ne faisait plus peur, la béatitude qu’elle faisait naître sur les visages des magnétisés suscitait l’intérêt.
Le mot n’existait pas encore et pourtant l’hypnose était déjà pratiquée à l’autre bout du monde par le médecin écossais James Esdaile (1808 – 1859). Envoyé comme chirurgien à Calcutta par la Compagnie anglaise des Indes orientales, il constata lui aussi que ses patients semblaient s’endormir lorsqu’il les magnétisait. Il développa une technique particulière pour soulager les douleurs des patients lorsqu’ils devaient être amputés. Au cours de sa carrière, il réalisa un millier d’amputations sous hypnose. Alors que cette technique suscitait toujours plus l’intérêt du monde médical, son essor fut stoppé net par l’invention du chloroforme en 1831 et son adoption progressive au cours du XIXème siècle.
Bien que Mesmer ne parvint pas à faire reconnaître sa pratique par le corps médical de son temps, il avait posé les premières pierres d’un édifice amené à s’élever. Les états modifiés de conscience n’étaient plus l’apanage des illuminés et des sectes, ils étaient offert à tout un chacun, sans distinction de croyance, dans le but de leur faire retrouver la santé et le plaisir de vivre.
L’hypnose conversationnelle cristallise un vieux débat du monde de l’hypnose entre ceux qui pensent que tout est hypnose et dont le modèle s’articule autour du principe de la suggestion. Et ceux qui considèrent que l’hypnose est un état très spécifique et qui s’intéressent davantage à la nature de l’état en question.
Pour les premiers, l’hypnose conversationnelle est la digne héritière de Gorgias, puisqu’elle permet de faire passer ses idées (suggestions) au cours d’une conversation banale. Leurs recherches portent essentiellement sur l’aspect rhétorique du message.
Pour les seconds, l’hypnose conversationnelle est davantage un art théâtral du rythme, de la gestuelle et de la communication. Ils se préoccupent moins de communication que de métacommunication, c’est-à-dire ce que les modalités de la communication communiquent par elles-mêmes, indépendamment du message.
Le cas le plus étudié d’Erickson en ce qui concerne l’hypnose conversationnelle traite du cas d’un patient, atteint d’un cancer en stade terminal. Le pauvre homme était alité, le corps perclus de douleurs. Mais il ne voulait pas entendre parler d’hypnose. Erickson, appelé à son chevet par la famille, discutera donc de botanique avec l’individu et notamment de comment l’on s’y prenait pour faire pousser des tomates. Au cours de la conversation, le patient parvint à se détacher de toutes les douleurs qui l’accablaient. Fait plus remarquable encore : les nouvelles métastases qui apparurent dans les jours suivants ne lui créèrent aucune douleur et l’homme parti en paix.